La CGT mineurs, le PCF du Pas-de-Calais, la ville de Billy-Montigny, la section PCF de Montigny-en-Gohelle, les descendants de déportés (FNDIRP)... Ce mercredi 27 mai 2015 au puits Dahomey de Montigny-en-Gohelle, un vibrant hommage a été rendu aux mineurs grévistes qui ont, en mai-juin 1941, défié le patronat collaborateur, l'occupant nazi et la police française aux ordres...

C'est Raymond Frackowiak (CGT mineurs) qui a rappelé le sens de ce « premier grand affrontement direct avec l'occupant nazi... » engagé à l'initiative d'hommes courageux qui « ont écrit des pages glorieuses de notre Histoire au prix parfois de leur sang et de leur liberté ». Ces mêmes hommes qui s'engagèrent, à la Libération, dans la Bataille du charbon pour assurer l'indépendance de la France. Ces mêmes hommes qui devaient faire l'objet d'une répression sans précédent en 1948 (3 000 mineurs emprisonnés, six assassinés par les « forces de l'ordre ») pour avoir eu l'outrecuidance d'exiger le respect du Statut des Mineurs, fruit de leurs luttes pendant l'occupation. Une répression meurtrière menée par le pouvoir « socialiste » (SFIO) de l'époque au service (déjà !) du Grand Capital...
Alors hier comme aujourd'hui, un seul mot d'ordre : Résistance ! Et Insurrection !

Guy.png Des syndicalistes CGT de l'union de lutte du Bassin minier
Il y a 74 ans en Mai-Juin 1941
100.000 mineurs défient l’occupant !
Par Jacques Kmieciak

Il s’agit de la plus importante mobilisation de masse en France occupée ! Du 27 mai au 10 juin 1941, jusqu’à 100 000 « Gueules noires » du Nord-Pas-de-Calais défient l’occupant allemand et le patronat des Mines. Impulsé par le Parti communiste clandestin, le mouvement revêt aussi une indéniable dimension patriotique…

Mai 1940. La France capitule. Le Nord-Pas-de-Calais devient « zone interdite » directement rattachée au commandement militaire allemand de Bruxelles. Dans un contexte de pénurie alimentaire et aussi de difficulté d’accès au marché noir, les compagnies minières renforcent leur pression sur leurs salariés : allongement de la durée du travail, blocage des salaires, augmentation des cadences et multiplication des vexations ! Le patronat savoure sa revanche sur 1936. Dans les mines, le malaise s’exprime, dès l’automne 1940, par des arrêts de travail pourtant interdits. Le 11 novembre, 40 000 mineurs célèbrent, par un débrayage, le 22e anniversaire de l’armistice de 1918. La grève de l’Escarpelle, dans le Douaisis, rythme le mois de janvier 1941. Dans L’Enchaîné du Pas-de-Calais, le PCF appelle à faire du 1er mai une « journée de lutte contre le double joug de la domination capitaliste et étrangère ». Des « Vive Thorez » ornent les murs des cités où flottent des drapeaux rouges. Le ton est donné.

Le 27 mai à Montigny-en-Gohelle

La situation est donc explosive lorsque la prétention de la compagnie des Mines de Dourges de réintroduire le paiement des ouvriers à l’abattage par équipe, met le feu aux poudres. De la fosse 7 de Montigny-en-Gohelle, les premiers mineurs cessent le travail à l’appel de Michel Brulé, un jeune communiste à la tête du Comité d’Union syndicale et d’Action (CUSA), organisation clandestine qui brave la logique chartiste de collaboration de classe voulue par Vichy. Nous sommes le 27 mai. Le mouvement se répand alors très vite à la concession de Dourges puis à l’ensemble du bassin en même temps que les revendications s’élargissent. Les grévistes réclament de l’huile, du pain, du savon noir pour pouvoir simplement se laver à la remonte. Et la cessation des brimades ! La CGT dissoute, la SFIO liquéfiée (bon nombre de ses représentants s’accommodant du nouveau régime), le Parti communiste pourtant illégal depuis septembre 1939 apparaît alors comme « le seul à pouvoir mener un combat social », selon l’historien Yves Le Maner. Réorganisé autour d’Auguste Lecoeur et Julien Hapiot, rompus à la lutte antifasciste en Espagne, ou de figures du syndicalisme minier comme Nestor Calonne, le PCF s’appuie sur une corporation minière rivée à son poste de travail du fait des mesures de réquisition.

Revendicative et patriotique !

Les Houillères rechignent à satisfaire les revendications. Aussi le mouvement s’inscrit-il dans la durée… Début juin, 100 000 travailleurs sont en grève ; soit 80 % de la corporation ! Cette action n’aurait jamais eu ce caractère de masse sans l’appui des travailleurs étrangers et notamment des Polonais parfois majoritaires à l’abattage. Les femmes des mineurs jouent un rôle tout autant déterminant en bloquant l’accès aux puits ou manifestant… Le 4 juin, des centaines de ménagères se rendent ainsi en cortège devant les Grands Bureaux de Billy-Montigny. Dans un « Pays noir » largement anglophile et marqué par le souvenir des atrocités teutonnes commises en mai 1940 à Courrières et Oignies, le « mouvement de défense sociale est en train de se transformer en pulsion de révolte contre l’occupant. La grève acquiert un caractère de lutte nationale », soutient Yves Le Maner. Une dimension patriotique, et bien sûr antifasciste et internationaliste, qui lui sera longtemps déniée. Chaque jour, elle « coûte 93 000 tonnes de charbon qui font défaut au Reich », précise Laurent Thiery, un autre chercheur. Un moment dans l’expectative, l’occupant réagit. C’est l’état de siège ! Lieux publics fermés, salaires non payés, vivres non distribuées… Un climat de terreur s’installe avec en point d’orgue, le 6 juin à l’aube, une vague massive d’arrestations, de présumés agitateurs, sur la base de listes fournies par les ingénieurs des mines ou la gendarmerie… française ! L’effet escompté se produit avec une progressive reprise du travail. Le 10 juin, la grève est terminée.

Les premiers Français déportés en Allemagne !

Le bilan de la répression est terrible. 450 personnes sont emprisonnées. Les 11 juin et 2 juillet, deux convois acheminent 273 mineurs vers la citadelle d’Huy, près de Liège, en Belgique. 244 d’entre eux gagneront ensuite l’Allemagne. 130 y périront. Les mineurs composeront ainsi « le premier convoi massif de déportation vers un camp de concentration au départ de la France »,commente Laurent Thiery. La grève n’aura cependant pas été vaine. Les compagnies consentiront à des augmentations de salaire et à la création d’un Service d’Approvisionnement. Des militants communistes auront toutefois échappé aux arrestations. Ils alimenteront les rangs de la lutte armée qui se développera dans la foulée de l’invasion de l’URSS par l’Allemagne, le 22 juin 1941.

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